Archive pour juillet, 2010

Atelier du carrier : la scie crocodile

Posted in L'atelier du Carrier, La Carrière Sarazin on 27 juillet 2010 by Carrieres Patrimoine

ATELIER n.m. Terme de carrière. Lieu où travaillent les ouvriers carriers pendant qu’ils procèdent à l’extraction de la pierre en galerie souterraine.


Scie crocodile dans la Carrière Sarazin à Eméville

Crocodile : n.m. Scie à pierre tendre, de grande taille, de forme trapézoïdale irrégulière, manipulée par un seul ouvrier ; ses dents sont orientées de manière à ce qu’elles n’agissent qu’en tirant la scie vers soi. Outre au débitage de blocs, elle servait aussi pour réaliser des havages à la fin du XIXe s. et durant la première moitié du XXe s. (Jean-Claude Bessac, Gallia 59, 2002)

En fait de « havage » le terme de défermage serait plus approprié. Cette scie, apparue vers 1870, permet au carrier de trancher le « cul » d’un bloc en travaillant depuis la cave du premier bloc abattu à la lance.

Il en existe plusieurs types et plusieurs tailles (voir l’extrait du catalogue ci-dessous). La lame triangulaire mesure 1,4 mètre en moyenne et les plus grandes font 3 mètres !


« Scies dites crocodiles pour carriers » extrait d’un catalogue de matériel pour carriers et tailleurs de pierre datant d’avant-guerre


Certaines scies peuvent atteindre des dimensions impressionnantes …  (carte postale du début du XXème siècle)


L’échelle graphique permet de se rendre compte des dimensions du bloc de pierre comme de celles de l’outil

Le crocodile permet de couper environ 2 mètres de pierre tendre par jour. Ses dents orientées vers l’ouvrier lui permettent d’être manié par une seule personne alors que les traditionnelles scies passe-partout, très flexibles,  mobilisent 2 personnes.

Parmi les autres scies à dents on trouve la baleine, très étroite, souple et flexible, permettant de suivre aisément un tracé courbe dans la pierre tendre.

Les scies sans dents sont utilisées pour les pierres dures, le sciage se faisant par l’action du grès (très abrasif) que le scieur jette régulièrement, avec de l’eau, contre la lame de la scie.  La scie à bras est une longue lame assemblée sur un cadre de bois, pouvant être maniée par un ou deux scieurs.

Jusqu’au milieu du XXème siècle, l’utilisation de la scie permettait de classer les pierres en deux catégories :

  • les pierres tendres que l’on pouvait scier à la scie à dents
  • les pierres dures qui ne pouvaient être sciées qu’à la scie sans dents.

Après la seconde guerre mondiale, la classification s’est faite plus précise en distingant 6 classes de pierre : très tendre, tendre, demi-ferme, ferme, dure et froide. Depuis, les normes ont encore évolué mais comme l’exploitation de la Carrière Sarazin a cessé au milieu des années 30, nous continuons d’employer la dénomination de pierre tendre pour la pierre extraite sur place.

Pour le carrier travaillant au défermage de l’arrière d’un bloc, le crocodile remplaçait avantageusement le ziguet (lance très courte). C’est ce qu’on peut légitimement penser étant donné que le croco est plus léger, donc plus facile à manier et provoquant moins de vibrations que des coups de ziguets pour celui qui le manoeuvre. Le travail n’en était pas moins fastidieux mais peut-être un peu moins dangereux (moins de risque d’écrasement des doigts).

  


D’un poids de 4 kilogrammes, cette scie mesure 2 mètres avec une partie active de 1,60m. Son extrémité mesure quant à elle 26 centimètres.

 


La face lisse de ce bloc de pierre tendre témoigne de l’utilisation de la scie dans la Carrière Sarazin


La poignée de cette scie est droite. Sur d’autres, la poignée est perpendiculaire à l’axe de travail


Les dents du crocodile !

 
Les deux carriers à gauche au second plan tiennent chacun ce qui ressemble fort à une scie crocodile  (carte postale du début du XXème siècle)

Nos outils ne sont pas seulement destinés à être exposés, ils retrouvent aussi leur destination initiale en étant utilisés comme à l’origine. Pour le débitage de blocs de pierre tendre, le crocodile est redoutablement efficace.


Notre crocodile sur le stand que nous tenions à la Biennale de la Pierre en juin 2008

Bibliographie

Technologie de la pierre de taille. Pierre NOEL
Pierre de taille. Etienne CUNRATH

(c) Textes et illustrations F.Chaut (sauf mention contraire)

Sortie en Picardie : Oise 3/3

Posted in Sorties et visites on 17 juillet 2010 by Carrieres Patrimoine

Visite d’une carrière présentant plusieurs périodes d’exploitation. L’extraction totalement manuelle s’est arrêtée avant la seconde guerre mondiale.


Femme nue agenouillée et voilier


« Dubré Michel à St Vaast les mello le 31 janvier 1931 à 1/2 H »
Deux voiliers ont également été dessinés.


« Frambery(?)  Pierre
Stage à Saint Vaast les Mello »
L’inscription ressemblant à la précédente, elle pourrait dater de 1931.


Qui pourrait dire aujourd’hui de quelle veuve il s’agit …


Une initiale artistiquement dessinée


« Poussif actionnaire » Cette inscription intrigante a  été réalisée avec la même peinture que les 2 précédentes.


Le personnage au fond de l’image donne un aperçu du volume des vides laissés par l’exploitation


L’ensemble de la carrière est en très bon état, ce que l’on voit ici n’est pas un effondrement mais un remplissage.

 
Les outils utilisés pour l’extraction des blocs (lance, aiguille et scie crocodile) ont laissé leurs traces sur les parois. Jusqu’à 8 blocs ont été extraits dans la hauteur !

Arrivée de notre treuil dans la Carrière Parrain

Posted in Evénements et médias, Restauration du Treuil on 12 juillet 2010 by Carrieres Patrimoine

Et voilà le dernier volet de nos activités à l’occasion de la Fête de la Pierre.

Le treuil de la Carrière Sarazin, ce treuil de 1920 patiemment et intégralement restauré par M Jean-Pierre VENDEVILLE, a été admiré par les nombreux visiteurs de la Fête de la Pierre mais nous ne comptons pas nous arrêter en si bon chemin.

Grâce au soutien de la Maison de la Pierre de Saint Maximin, cette formidable mécanique sera présentée à tous les groupes venant visiter la Carrière Parrain. Le treuil sera exposé avec d’autres outils d’extraction et de bardage dans une galerie de l’ancienne carrière souterraine.

Bénéficiant d’un accès sécurisé et de visites régulières de groupes (parfois plusieurs par semaines), le treuil de la Carrière Sarazin illustrera un mode d’exploitation contraignant, l’exploitation par puits.

Ce treuil, qui plus est en parfait état de marche,  est un témoin unique de l’époque charnière à laquelle l’exploitation de la pierre a commencé à devenir industrielle, y compris dans des zones rurales, entre les deux guerres.

En tant que première association à avoir oeuvré pour la préservation et la mise en valeur des anciennes carrières du Valois, il nous semblait logique de faire connaître cet élément de notre patrimoine en l’incluant dans une exposition permanente. Rassurez-vous, il reviendra un jour à Eméville pour reprendre du service à la Carrière Sarazin.

Nous sommes la dimanche 6 juin en fin de journée, les participants à la Fête de la Pierre sont partis, nous allons pouvoir procéder au déménagement du treuil et lui faire parcourir plusieurs centaines de mètres à la vitesse de 250 mètres par heure… Voici les photos de ce périple !

  


C’est parti : posé sur des roules en bois et tiré par la voiture, le treuil entame son voyage


Sur un chemin ni plat ni rectiligne, un second véhicule est nécessaire pour négocier le virage.


Le premier obstacle est franchi en quelques manoeuvres


Les roules sont disposés devant le treuil, dans le sens de la pente.


On aborde le second obstacle : la descente en pente douce vers l’entrée de la carrière souterraine


Guider les roules pour éviter qu’ils se mettent de travers, c’est le rôle essentiel assumé par nos 2 manoeuvriers, Pierre et Quang


Avancer tout en retenant la tonne et demi que représente la masse du treuil…


Premier objectif atteint : l’entrée de la carrière Parrain


Parcours entre les piliers tournés


Dans les allées de l’ancienne champignonnière


Dernier roulage réalisé avec le treuil de la voiture


Ca y est, le treuil est parvenu à son emplacement définitif, avec seulement 10 minutes de retard par rapport à nos prévisions !


Dernières manoeuvres de calage à la lumière des phares


Après 2 heures de travail, une photo de groupe devant le treuil

Sortie en Picardie : Oise 2/3

Posted in Sorties et visites on 11 juillet 2010 by Carrieres Patrimoine


« CHATELAIN JULIEN 1859 » C’est quand même plus joli avec une lampe acétylène qu’avec un grand coup de flash électronique, surtout pour une incription aussi ancienne !


Tableau de comptage fait par les carriers


« FLEURY H »

On change de lieu et d’époque … Les blocs extraits à la haveuse laissent de grandes surfaces planes sur les piliers, permettant de réaliser des dessins plus grands mais pas toujours mieux inspirés…


La pensée : une fleur que l’on retrouve également dessinée dans la Carrière Sarazin


Moins poétique, et on vous fait grâce du pire !


« Rue Debruge Michel »
L’utilisation de la haveuse témoigne de l’industrialisation de l’extraction ; les traces en demi cercle en sont caractéristiques.


« Le soleil est pâle »


Extrêmité brisée d’une aiguille


« MINARD »


« Chantier de la misère »


« Gruny Jacques. Boucher l’homme Cerdan bosseur orligne qua peur du vieux raout »
Le texte incompréhensible désigne-t-il le personnage représenté en haut à droite ? Mystère…


Curieux personnage dont le chapeau (un béret ?) ressemble à une pomme et qui semble avoir les poches vides…


« La devise 1965. Le travail c’est la santé, rien faire c’est la conserver ». Les carriers écoutaient Henri SALVADOR chanter l’un de ses succès…

Dans la partie ancienne de l’exploitation, réalisée à la lance, les dessins et les inscriptions changent de registre. Nous faisons un bond en arrière d’une soixantaine d’années pour nous retrouver au début du siècle dernier.


L’homme au képi


Qui pourrait nous dire quel est le militaire représenté à droite et dont la coiffe est bien caractéristique ?


Les photographes à l’oeuvre !


« 1er Xbre 1913 »

Il s’agit du 1er décembre 1913. Avant la grande guerre… Les dates ainsi inscrites sur la paroi de cette galerie permettaient de mesurer précisément l’avancée de l’extraction. S’agit-il d’une carrière exploitée par Civet Pommier sachant que le même procédé, rigoureusement identique, et concrenant également 1913-1914 a été utilisé dans la Carrière de la Bouloye exploitée alors par Civet Pommier ? La similitude est vraiment troublante…


« 1er janvier 1914 »


« 1er février 1914 »


« 1er mars 1914 »


« 1er avril 1914 »


« 1er mai 1914 »


« 1er juin 1914 »


« 1er juillet 1914 » 

Le samedi 1er août 1914, à 4 heures de l’après-midi, tous les clochers de France faisaient entendre un sinistre tocsin. C’était la mobilisation générale.


Des consolidations sans doute centenaires…


Une énorme pince à moitié enfouie sous le cran

Sortie en Picardie : Oise 1/3

Posted in Sorties et visites on 9 juillet 2010 by Carrieres Patrimoine

Avant de vous entraîner à la découverte du patrimoine souterrain, prenons le temps d’admirer le travail de la nature…


Vestiges d’une exploitation abandonnée, ces blocs témoignent de l’activité aujourd’hui disparue


En quelques années la végétation revient et change le paysage, modifiant la vision et par conséquent la mémoire collective des lieux.


L’orchidée sauvage apprécie certains terrains abandonnés comme les anciennes carrières à ciel ouvert


Le temps a aussi dégradé cette sculpture insolite qui nous a bien intrigué


Le buddleïa apprécie aussi toutes les friches. Appelé aussi « arbre à papillons », ses grappes de fleurs sont très odorantes.

 
Un plan incliné tout en bois permet de passer d’un niveau de la carrière à l’autre


Ciel étayé par les carriers

LECTURE D’UN FRONT DE TAILLE

Le front de taille montre que l’on extrayait ici sur une hauteur de 3 blocs. Le premier bloc extrait est celui en haut à droite. Il a permis d’extraire ensuite celui de gauche, là où on distingue les traces horizontales du ziguet. Le ziguet est une petite lance quutilisée perpendiculairement dans la cave du premier bloc abattu à la lance, afin de trancher le « cul » du bloc suivant (Etienne CUNRATH, Pierre de Taille, 2007). Les traces verticales laissées sur les blocs inférieurs ont été faites par l’aiguille. Enfin, en bas à droite, la surface bien plane laisse supposer l’utilisation d’une scie crocodile.


Initiales gravées dans le calcaire


La gravure vient souligner les traits de crayon de ce visage féminin