Carrières & Champignons

LA CULTURE DU CHAMPIGNON DE COUCHE

Depuis bientôt 2 siècles, les anciennes carrières souterraines de pierre à bâtir ont connu maintes péripéties : comblées, foudroyées ou dépilées pour récupérer la pierre des piliers, certaines d’entre elles ont été utilisées pendant ou après la phase d’extraction pour produire des champignons.

La vie des anciennes carrières a ainsi été prolongée par cette utilisation économique, bien avant que les défenseurs du patrimoine souterrain ne mettent en valeur leur intérêt culturel et historique.

La culture du champignon ne date que du milieu du XIXè siècle. Elle n’occupe les carrières qu’après l’abandon de leur exploitation en raison de la stabilité de leur température intérieure voisine de onze degrés, propice au développement du champignon. Champignonnistes et carriers cohabitent parfois, les premiers utilisant la partie de la carrière où l’extraction est achevée.

 HISTOIRE

Au tout début de notre ère, l’Empereur romain Claude Ier, né à Lyon, est tellement gourmand de champignons qu’il en mange jusqu’à l’indigestion, ce qui permet à sa seconde épouse Agrippine de substituer un plat de champignons vénéneux à son mets favori et de l’empoisonner…

En 1707 le botaniste Joseph de Tournefort déclare qu’il connaît un procédé pour cueillir des champignons en toutes saisons sur des couches préparées à l’avance ; puis c’est la culture sous châssis qui est préconisée.

C’est à la fin du Premier Empire qu’on s’aperçoit que les anciennes carrières semblent convenir à la culture des champignons. On raconte ainsi qu’un officier de l’Empereur réfugié dans des carrières abandonnées où avait été déversée une grande quantité de fumier de cheval, aurait ainsi découvert une providentielle récolte de champignons lui permettant de subsister.

Une chose est sûre, c’est vers le milieu du XIXè siècle l’horticulteur Chambry a l’idée d’utiliser à cette fin les vides des carrières abandonnées des environs de la capitale. L’affaire prend une rapide extension parmi les maraîchers , les anciens carriers et aussi certains capitalistes espérant trouver là un bon placement d’argent, à telle enseigne que dès 1891 un Syndicat des Producteurs de Champignons se constitue !

En 1893, uniquement dans le département de la Seine, on dénombre 236 champignonnières !

Une champignonnière est habituellement divisée en plusieurs « caves » isolées les unes des autres. Cela permet de limiter la propagation des maladies du champignon et de faciliter le contrôle de la température de la pièce en réduisant son volume. Dans les exploitations modernes, le chauffage au gaz ou au fioul est utilisé et la circulation de l’air est assurée par de nombreux ventilateurs.

Manuel du champignonniste
La scène représentée sur la couverture de ce livre de 1904  pourrait s’être déroulée aussi bien sous Paris que dans le Valois.

TECHNIQUE

A l’origine, la culture des champignons se faisait sur des plates bandes ou de longues meules disposées en bandes parallèles. Malheureusement, les agents bactériens pathogènes pouvaient rapidement se propager de meule en meule, détruisant toute la production et nécessitant un assainissement complet de la cave.Après la seconde guerre mondiale, les meules ont été remplacées par des sacs, permettant d’éviter une contamination générale tout en facilitant aussi la préparation qui pouvait alors se faire en dehors des caves.

L'arrosage des meulesL’arrosage des meules

Par la suite, l’utilisation de bacs métalliques superposés de 250 kilos chacun, maniés avec des engins de levage, a permis de développer la production.

La technique traditionnelle de culture du champignon consistait autrefois à ensemencer les meules avec le mycélium, opération appelée lardage, avant de les recouvrir de terre et de les arroser, opération appelée gobetage. Cela se faisait à l’aide d’une pelle en bois : la pelle à gobeter.

Le GobetageLe gobetage

Aujourd’hui, nul besoin de briser les bouteilles qui contenait le mycélium pour procéder au lardage :des grains de seigle stérilisés servent de support au mycélium et sont disséminés dans les bacs de compost bacs à raison de 1 à 2% par rapport au volume total du compost.

Le compost est un mélange de fumier de cheval, de paille et de fiente de poule. Ce mélange fermente 13 jours et passe dans une chambre de pasteurisation où l’augmentation de la température à 58 degrés pendant 8 heures va éliminer les parasites autres champignons pathogènes. On va conserver au compost une température de 49 degrés pendant encore 5 jours. L’azote contenu dans le fumier et la fiente de poule se transforme en protéines qui nourriront le mycélium.

Lorsque la température est redescendue à 22 degrés, on peut ensemencer.

Le champignon de Paris cultivé aujourd’hui est issu d’un croisement entre une souche française et une souche californienne, donnant un produit plus blanc, à la croissance plus rapide.

On recouvre ensuite le compost de poudre de pierre.

Cette opération, le gobetage, est nécessaire pour neutraliser l’acidité du compost et constituer une réserve d’eau à la surface du bac de culture.

Il faut 2 semaines au mycélium pour s’accrocher sur le compost : durant la première semaine la température du compost est d’environ 30 degrés, contre 21 à 22 degrés pendant la seconde semaine. Si jamais la température du compost dépasse les 35 degrés, le mycélium meurt. La période de l’incubation nécessite donc un contrôle attentif et quotidien de la température des caves commet des bacs, sous peine de perdre une précieuse récolte. Il faut encore 2 autres semaines pour que le mycélium se soit suffisamment développé et que les champignons soient sortis.

La cueillette des « volées » de champignons va durer pendant  toute la fructification soit 5 semaines, chaque bac produisant environ 50 kilos de champignons.

A l’issue de la cueillette, les bacs sortiront de la cave. Le compost sera recyclé et les bacs propres seront de nouveau remplis. Pendant ce temps là, la cave sera soigneusement désinfectée à l’aide de produits phénolés tandis que cela se faisait autrefois avec un lait de chaux dont on badigeonnait le sol et les parois.

A l’heure actuelle, les producteurs français doivent faire face à la concurrence étrangère qui bénéficie de faibles coûts de main d’oeuvre et de transport, et certaines exploitations se font désormais dans des hangars climatisés.

La CueilletteLe panier sous le bras et la lampe acétylène en bout de main, le champignonniste procède à la cueillette.

Lampe acétylène de champignonniste
Lampe de champignonniste

Cette lampe peut être tenue dans l’axe du bras qui tient le panier du cueilleur, laissant l’autre main libre pour la cueillette. Grâce à son manche en bois le champignonniste peut aussi la fixer au mur, dans l’un des nombreux trous réalisés par les carriers pour les besoins de l’extraction.

 

Nous évoquerons la culture du champignon de Paris dans les carrières d’Eméville dans un prochain article avec témoignages, anecdotes et photographies.

BIBLIOGRAPHIE

  • Manuel du champignonniste professionnel et amateur.
    A. Cauchois, 5è édition, 1904.
  • Le champignon, sa culture en plein air, dans les caves et dans les carrières.
    Laizier, champignonniste, Auguste Goin éditeur, 1902.
  • Méthode pratique pour la culture des champignons avec profit.
    Conserves Champignol.
  • Le champignon cultivé
    Raphaël DE NOTER.
  • Champignons de couche.
    J. Lachaume & G. Bellair, Librairie de l’Académie d’Agriculture, 1932

Documents et article : François CHAUT
Remerciements : Jean-Louis SPINELLI

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4 Réponses to “Carrières & Champignons”

  1. Arf , je commence un gros travail sur le sujet, une grande partie de ma vie!! avec peu de souvenirs en images..mais plus de détails.
    La lampe à carbure ,ma fidèle rien que pour elle j’écrirais ..
    si besoin pas d’hésitation..
    A bientot..
    Manu

  2. Bonjour

    article intéressant et bien documenté

    Guy
    http://kata.addict.free.fr

  3. La culture en meules expliquées par un ancien champignonniste.
    http://www.catasphere.fr/360/Meules.html

  4. […] Pour plus d’informations, retrouvez notre article consacré à la culture des champignons en carrières. […]

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